Recension du livre « La méditation de la Pierre de Fondation  et les défis de notre temps », éditions Perceval par René Becker

L’ouvrage publié par Arie van Ameringen et par Christiane Haid, est un recueil de textes écrits par 14 contributeurs avec des approches très différentes, qui nous donnent un tableau très large des nombreuses portes d’entrée pour aborder ce joyau qu’est la Pierre de Fondation. Le livre est sorti au Québec en 2023 à l’occasion du centenaire de la pose de cette Pierre de Fondation à Noël 1923. Les auteurs, de par leurs parcours, leurs expériences et leurs regards différents, nous ouvrent ainsi de multiples horizons pour approfondir cette méditation dont on ne sondera jamais toute la profondeur de façon définitive. Parmi les thèmes abordés, on trouve tout d’abord un texte de Christiane Haid, qui retrace la métamorphose de la première Pierre de Fondation en 1913 (un double dodécaèdre en cuivre posé en terre pour le premier Goetheanum) vers la seconde Pierre de Fondation, qui elle, n’est pas un objet physique mais un texte en quatre volets, que R. Steiner a souhaité déposer dans le coeur des personnes voulant l’accueillir en leur fort intérieur. Helmut Goldmann, s’attache dans le second texte, à mener une petite étude sur le livre La philosophie de la liberté et nous montre les liens que l’on peut découvrir avec la Pierre de Fondation. Arie van Ameringen quant à lui, s’attache à nous faire découvrir comment les mystères de l’Espace, du Temps et de l’Eternité sont tissés dans la trame des Trois premiers volets de cette méditation : 

« Tu vis dans les membres, qui à travers le monde de l’espace te portent dans l’être-océan de l’esprit »

« Tu vis dans la pulsation coeur-poumons, qui par le rythme du temps te mène à ressentir  l’essence de ton âme »

« Tu vis dans le calme de la tête, qui par des fondements de l’éternité t’ouvre l’accès des pensées du monde ». 

Jaap Sijmons s’efforce de montrer dans sa contribution, comment le pentagone est un principe de création qui sous-tend l’architecture spirituelle de la méditation : elle a un fondement pentagonal-dodécaédrique. D’autres auteurs comme Rüdiger Janisch, vont établir un lien entre la Pierre de Fondation vécue intérieurement et le Goetheanum en tant que réalité spirituelle ; avec Auke van der Meij, nous plongeons d’une autre manière encore dans l’expérience du travail intérieur avec cette Pierre de Fondation. Une des portes d’entrée très stimulante, est celle des rythmes que Paul Mackay décrit intensément, en montrant que ce travail nous incarne réellement dans notre existence. Puis, Joan Sleigh nous ouvre les perspectives sociales de cette méditation. Elle permet de mieux nous connaître individuellement mais elle est aussi un magnifique moyen de nous stimuler dans la vie sociale, en particulier dans le 4ème volet, qui nous invite à oeuvrer pour le Bien ensemble, grâce à nos sensibilités complémentaires de Bergers et de Rois. Lumière et chaleur convergent « vers le but par notre vouloir ». S’en suivent d’autres contributions issues du travail des champs professionnels comme la médecine, l’approche des esprits des éléments, l’éducation, l’art, l’architecture, la musique. Chaque auteur, à sa façon, nous emmène dans un domaine auquel il se consacre avec toute son énergie depuis de nombreuses années. C’est là qu’on perçoit que cette méditation est véritablement une source d’inspiration pour tous les domaines de l’existence. Michaela Glöckler décrit les aspects médico-thérapeutiques de la méditation avec le principe guérisseur du milieu (en particulier le second volet). Nous devons prendre en compte non seulement la santé corporelle et la santé de l’âme, mais aussi cultiver la santé de l’esprit. Pour Jean-Michel Florin, le lien avec le monde des éléments et les esprits qui le sous-tendent (« Les Esprits des éléments l’entendent »), n’est pas conscientisé de nos jours. Il insiste sur les conséquences de cette non-prise en compte de cette réalité et les conséquences qui pourraient en découler. Il nous invite aussi à replonger dans les quatre éléments au travers l’observation goethéenne. Dans le domaine de l’éducation, Claus-Peter Röh montre que la pédagogie Waldorf puise son essence dans la connaissance de la nature ternaire de l’être humain. Dès lors, la Pierre de Fondation est comme un joyau condensé des fondements humains dont devrait s’inspirer la pédagogie au sens large.

Souvenance, conscience et voyance de l’esprit sont des concepts qu’une pédagogie spirituelle incarnée dans le monde matériel, met en pratique. « En marchant, j’ai beaucoup pensé » est une de ces phrases qui nous fait prendre conscience des liens unissant de façon surprenante les trois forces de l’âme. Marcher peut aider à mettre notre penser en mouvement ! Hélène Besnard souligne le caractère éminamment artistique de la Pierre de Fondation. Elle rappelle comment R. Steiner la décrit : « cette Pierre qui de l’amour cosmique humain tire sa substance, de l’imagination cosmique humain sa structure, et des pensées cosmiques humains son éclat ». Elle relate également comment d’après R. Steiner l’Inspiration des puissantes formes imaginatives du premier Goetheanum, trouvent leur métamorphose dans le texte. Durant le congrès de Noël, Steiner a donné chaque jour un des rythmes de la méditation et la composition d’ensemble est telle une fugue de Bach. Hélène Besnard nous entraîne également dans la découverte des mètres rythmiques du spondée pour la volonté, de l’iambe pour le sentiment et du trochet pour le penser. Bert Chase  a intitulé sa contribution « L’avènement du tournant cosmique des âges : une architecture du devenir ». L’auteur décrit comment l’architecte se trouve devant l’immensité de l’espace avant de concevoir un bâtiment. Il ressent une grande responsabilité face à une commande. Il sait que de la matière doit être détruite (bois, pierre) avant de servir à la construction. Il pense au devenir d’un bâtiment qui deviendra à la fois un théâtre, une salle de congrès de congrès mais également un Temple pour renouveler les Mystères. C’est cette tâche qu’a entrepris R. Steiner après l’incendie du premier Goetheanum : préparer un corps pour l’Ecole de Michael afin de créer une lieu d’accueil pour une forrmation de communauté nouvelle. La dernière contribution est celle d’un musicien : Emmanuel Vukovich. L’auteur établit les lines entre la musique et l’être humain tripartite. L’Imagination de la nature triple de l’être humain trouve son reflet dans l’archétype de la musique : « Il vous suffit de dépeindre l’expérience musicale, si vous la saisissez véritablement, le corps éthérique humain se présente à vous. Seulement, au lieu de dire « tête », nous disons « mélodie », au lieu « d’homme rythmique » nous disons « harmonie », parce que tout est élevé à un plan supérieur, et au lieu « d’homme de membres », nous disons « rythme ».

Ce livre est de ceux que l’on lit et relit car cette méditation de la Pierre de Fondation nous rappelle sans cesse sur le métier à tisser en plongeant de multiples manières dans cette œuvre, fondement de la Société anthroposophique.